Baby Bird There’s something going on(1998, Echo)
En 1995, un drôle d’oiseau venu de Sheffield, Angleterre, débarquait les poches remplies de chansons qu’il semait à la volée au fil de quatre albums ébouriffants, enregistrés pour la plupart à la maison et publiés en rafale en l’espace de quelques mois. Lesdites chansons révélant une créativité folle, le monsieur (Stephen Jones aka Baby Bird) finit par attirer l’attention et décrocha quelques tubes rutilants en 1996 avec son album Ugly beautiful (”Goodnight” ou “You’re gorgeous”) . Pour ceux qui voudraient en savoir plus, je les invite cordialement à aller voir par ici ou par là , cela m’évitera de me répéter.
Derrière le côté bricoleur de génie, capable des plus belles fulgurances avec trois francs six sous, on sentait chez Baby Bird un évident côté obscur. Au détour d’un trait d’humour tordu, d’un texte malade, d’un morceau poignant posé au milieu de ce fatras peu commun, on percevait chez notre oiseau des signes de mauvais augure. Ces impressions furent un peu éclipsées quand Baby Bird décrocha la timbale, celui-ci prenant un malin plaisir à brouiller les pistes derrière son air goguenard. Et pourtant, deux ans après le succès, il n’est plus temps de rire sur ce There’s something going on. Le noir est mis et il est d’encre.
Le canard en plastique au crâne fracassé et sanguinolent représenté sur la pochette rappelle la pochette tordue de Bad shave mais c’est bien ainsi, tout fracassé que nous apparaît Baby Bird. Une chape de plomb semble s’être abattue sur cet album et l’on y entend un homme tourmenté, blessé, parfois profondément poignant. Disque malaisant, n’ayant rien pour séduire si ce n’est quelques bribes de charme pop laissées ici ou là. Musicalement, Baby Bird continue de faire montre de sa facilité et de son art de touche-à-tout, annexant par exemple à plusieurs reprises le territoire trip-hop sans apparaître dépaysé. Mais on entend aussi à plusieurs reprises comme de la lassitude, comme un poids trop lourd pesant sur ses épaules.
Au final, le disque apparaît comme un imposant disque malade, pas forcément toujours convaincant mais extrêmement touchant. On retiendra ainsi le glaçant “Bad old man” introductif, et ses paroles détraquées: “He puts razorblades in ice creams / Shots paedophiles in a wet dream” . Les textes sont d’ailleurs constamment sombres et quand notre homme proclame “You will always love me”, il faut bien y entendre une menace (”You will never be free”) . Baby Bird frappe réellement au coeur avec le déchirant et magnifique “Back together”, morceau de désarroi amoureux comme on en connait peu. Impossible aussi de ne pas se sentir glacé par le terrifiant “Take me back”, chanson d’enfant perdu ressassant des images effrayantes, chanson d’homme seul dans le noir. On mentionnera quand même quelques instants de semi-répit, avec ce “If you’ll be mine”, qui essaie d’être charmant sans y parvenir vraiment, ou l’apaisé et conclusif “There’s something going on”, comme une accalmie dans la douleur.
Je n’ai plus entendu parler de Baby Bird pendant longtemps après ce disque, un autre album paraissant en 2000, Bugged, puis Jones disparaissant jusqu’en 2006 pour revenir avec Between my ears there’s nothing but music. J’ai appris récemment que le bonhomme avait refait surface l’an dernier avec un nouveau projet, joliment intitulé Death to the Neighbourhood mais j’avoue ne rien en avoir écouté encore.
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